Le sens de la Saint Valentin

Après avoir décrit les origines de la saint Valentin, l'abbé Patrick Pégourier propose une voie pour (re)donner un sens chrétien à cette « fête des amoureux »

Depuis des jours, le tam-tam médiatique martèle des annonces publicitaires, multiplie offres de cadeaux, spots et vidéos : c’est la Saint Valentin ! La « fête des amoureux » subit une dérive commerciale, voire glamour, prononcée. Néanmoins, sous ce tapage orchestré, elle cherche à renouer avec les fils enchevêtrés d’une tradition heureuse, comme le manifestent de nombreux blogs animés d’un réel souci artistique. Par leur spontanéité, leur sincérité, ils alimentent le désir de revenir à la noblesse du sentiment et à la beauté de l’âme, comme à un paradis perdu au milieu de cette marchandisation de la culture propre à notre société.

Une histoire embrouillée Les origines de cette fête demeurent incertaines : saint Valentin est un martyr romain du IIIe siècle mais, de fait, ils sont vraisemblablement deux que la tradition a réunis, l’un à Rome, l’autre à Terni, dans un même sacrifice. En tout cas, dès le départ, son nom a été associé à la coutume, pour filles et garçons, de déclarer son amour ou de se vouer fidélité « pour toujours ». Mais la coutume est-elle née parce que, avant de subir le martyre, Valentin aurait fait parvenir à la fille du geôlier un billet signé « De votre Valentin »... ?

Dans l’Empire romain, l’arrivée du printemps était célébrée par les fêtes rituelles de la fertilité, qui donnaient lieu à toutes sortes d’excès. Peut-être le pape Gélase, au Ve siècle, a-t-il voulu les christianiser en leur dédiant un saint patron, en les élevant au rang de fête des fiancés, pour ainsi commémorer le don de leur amour au-delà de la fécondité ? Toujours est-il que la Tradition demandait qu’en ce jour, un jeune homme choisisse une jeune fille pour être sa « valentine », et lui offre, avec son cœur, cadeaux et faveurs. Elle considérait que le sacrifice du saint rendait ceux qui se recommandaient de lui, capables d’aller à la rencontre de l’Amour, et qu’il communiquait à leur existence un sens plus profond, reflet de la vie en Dieu et du souci d’autrui .

Il se peut aussi que le « jour des amoureux » n’ait rien à voir avec saint Valentin : ce ne serait que le résultat d’une coïncidence entre la fête liturgique du 14 février et une coutume populaire unie par attraction spontanée au patronage de l’amour humain. Quoiqu’il en soit, elle réapparaît à l’orée des Temps modernes sous la plume de Charles d’Orléans qui renoue avec l’amour courtois en vogue à l’époque de la chevalerie. Ce prince poète fut marqué, très jeune, par l’assassinat de son père, la mort de sa mère Valentine, puis par le désastre d’Azincourt (1415). C’est au cours de ses 25 années de captivité en Angleterre qu’il composa le Poème de la prison, ensemble de morceaux en vers idéalisant l’amour à travers des formes allégoriques. C’est de là aussi que, proche de sa délivrance, il aurait envoyé le 14 février un « billet doux » à sa promise.

Un message d’espérance à diffuser

La Saint Valentin est sollicitée par deux courants opposés. Le courant hédoniste d'une part, qui remonte aux fêtes romaines du printemps, propage le sens esthétique sur un mode consumériste et débouche sur le règne du divertissement et du zapping. Le courant profondément humain d'autre part, soucieux de promouvoir une culture de respect, de dialogue, d’amitié (Benoît XVI, Journée mondiale des communications sociales, janvier 09). Les trois composantes de ce courant humain se retrouvent dans l’histoire du 14 février et montrent que, même dans une ambiance matérialiste et hostile, il est possible de construire dans l’espérance un monde renouvelé :

-         le sens de l’amitié pour les fiancés, qui conduit Valentin au martyre ;

-         le respect de Charles pour la Dame qu’il révère à distance, avec délicatesse et prévenance ;

-         le dialogue qu’encourage l’Eglise avec l’Amour, à l’occasion des élans légitimes du cœur.

Au collège des Bernardins, en septembre dernier, le Saint Père indiquait que l’avenir du Christianisme se jouerait dans le champ de la culture. À l’exemple des premiers chrétiens, il s’agit donc de favoriser l’émergence d’une nouvelle culture, cohérente avec la dignité de l’homme et son glorieux destin d’enfant de Dieu. Et notamment pour ce qui concerne la vertu de la chasteté : elle représente une tâche éminemment personnelle, mais implique aussi un effort culturel, car il existe une interdépendance entre l’essor de la personne et le développement de la société elle-même (CEC 2344) ; et le cœur humain aspire à un monde où règne l'amour, où les dons sont partagés, où se construit l'unité, où la liberté trouve son sens dans la vérité, et où l’identité de chacun se réalise dans une communion respectueuse (Benoît XVI, ibid.).

À ces attentes, seule l’unité d’une vie profondément chrétienne est la réponse. D’une année sur l’autre, la Saint Valentin n’est-elle pas comme le test de notre capacité à dégager avec naturel notre propre "ambiance", afin de donner "notre ton" à la société où nous vivons ? Si tu as acquis cet esprit, je suis certain que tu me diras, stupéfait comme les premiers disciples devant les premiers miracles qu'ils opéraient au nom du Christ: « Nous avons tellement d'influence sur l'ambiance ! » (Chemin 376).